Enfin je montais dans l'avion qui me ramenait en France. Cela faisait un peu moins d'un an que j'étais parti, six mois que mon équipe et moi avions été la cible d'un attentat. Tout le monde était mort, tout le monde sauf moi. J'avais oublié beaucoup de choses, mon nom par exemple, et, bien sûr, ma plaque qui aurait servi à m'identifier avait été perdu... La mémoire était revenue petit à petit et j'avais pu retourner en France, chez moi. J'avais attendu ce moment tellement longtemps, j'avais hâte de retrouver mon appartement mais surtout de voir Sophie, de la retrouver, de la prendre dans mes bras. L'avion devait atterrir à Paris, il fallait donc encore que je prenne la train jusqu'à Cannes, j'avais largement le temps de penser à mes retrouvailles avec Sophie. Je m'étais endormi dans l'avion, ce qui eut pour effet de faire passer le temps plus vite que je ne l'avais prévu. Je filais dans le train, il était tôt, j'arriverais vers neuf heures à Cannes. Le mois de Juillet avait commencé et ça n'échappait pas, le train était rempli. Par chance, Paris était le départ, aussi je n'eus pas de mal à trouver ma place. Le sommeil me prit à nouveau et lorsque je me réveillais il y avait un tas d'enfants dans le wagon, qui jouait, riait. Sans que je ne sache pourquoi je repensais à ma demande en mariage à Sophie. Je jouais avec ma bague de fiançailles. C'était elle qui m'avait fait tenir, avant et après l'accident. Nous avions atteint le dernier arrêt avant la ligne directe jusqu'à Cannes.

Je commençais à angoisser légèrement. Personne n'était au courant de mon retour, même pas mes parents... Peut-être que Sophie aurait déménagé et que j'allais être comme un idiot devant sa porte. Ce n'était vraiment pas le moment de passer à ça. Lorsque le train s'arrêtait, j'attendis que les gens partent, ne voulant pas être pressé devant les portes. Mon sac sur l'épaule, je descendis les marches en regardant autour de moi, cherchant je ne sais quoi. La gare n'avait pas changé, elle était seulement envahi pour les touristes. J'avançais tranquillement sur les quais, essayant de ne pas gêner les gens avec mon énorme sac. Je me dirigeais vers la sortie lorsqu'un homme bouscula une jeune femme brune qui tomba par terre, genoux et mains en avant, lâchant en même temps un cri de surprise, cri que je connaissais par coeur pour l'avoir entendu à plusieurs reprises. Je savais qu'il s'agissait de Sophie, celle que j'avais tant aimé, celle à qui j'avais envoyé de nombreuses lettres et qui n'avait pas répondu. Pourquoi ? Je l'ignorais. Je ne pensais pas la revoir comme ça, dans une gare. Peut-être qu'elle allait partir, qu'elle allait s'en aller... Je ne savais pas ce qu'elle faisait ici mais il fallait que je le sache, que je lui dise que j'étais là, que j'étais rentré à la maison. Peut-être allait-elle partir, peut-être allait-elle et c'est pour ça qu'il fallait que je lui parle. Je m'approchait d'elle, posant mon sac par terre et tendit ma main vers elle. « Sophie... Tu n'as pas changé. » Je l'aidais à se relever et la pris dans mes bras une seconde, savourant ce moment de tendresse. Ce geste, si simple, m'avait terriblement manqué. Je me reculais légèrement pour la regarder. Il y avait quelque chose dans ses yeux, quelque chose que je ne connaissais pas, que je n'avais jusqu'à présent jamais vu. J'ignorais ce que c'était mais ce n'était pas de la joie... Comme si elle n'était pas heureuse de me voir.

Je regardais droit devant moi, avant de voir un lourd sac se poser à terre. Levant un sourcil puis j'aperçus une main se tendre devant moi. Je l'a prise et me relever tout en frottant mon jeans.

- Merci. Finis-je par dire avant de relever les yeux lentement vers l'homme qui m'avait aidé. Je...

Et soudainement ce fut le choc. Je me retrouvais contre lui sans comprendre ce qu'il se passait. Mais tout défilait dans ma tête et ça défilait tellement vite que j'en eus le tournis. Son parfum, son odeur, la douceur de sa main, son étreinte, le son de sa voix. Je sentis mon cœur presque s'arrêter de battre alors que j'étais contre le sien, je n'arrivais même plus à respirer. Ma bouche s'ouvrit pour lâcher des mots qui ne sortirent jamais. Mes yeux se baignèrent de larmes sans que je ne puisse rien faire. Je rester là sans bouger, sans respirer. J'étais devenue livide, et je sentis mes jambes trembler tellement mon corps était devenu ingérable. Je n'avais plus aucun doute sur lui, sur son identité. Mais c'était tout simplement impossible! Impossible que se soit lui, impossible qu'il soit vivant après avoir vu le cercueil défiler sous mes yeux, impossible que se soit sa voix! Non je devais rêver, je devais surement m'être cogné la tête très fort par terre sans m'en rendre compte, je devais... Je ne savais même plus!

Je restais tétanisée devant lui, tremblant de plus en plus, ma main se levant légèrement vers son visage. Les larmes avaient commencé à couler sur mes joues sans que je ne puisse les retenir. Étais-je au paradis? L'avais-je finalement rejoins? Alors la vie continuait normalement une fois que l'on passé de l'autre coté? Et pourquoi maintenant, pourquoi là, pourquoi était-il ici tout simplement?

- Tu... Tu... Je suis... au para... dis. Avais-je tenter de dire, en souriant malgré mes larmes.

Puis ma main s'immobilisa sur son visage, caressant doucement sa joue et d'un coup se fut le vide, le noir. Je m'effondrais incapable de subir d'avantage d'émotions.

Sophie semblait surprise si on en croyait son visage. Sans doute ne s'attendait-elle pas à ce que quelqu'un l'aide. Ce n'était pas mon genre de passer à côté d'une femme qui était tombée sans l'aider, encore moins si il s'agissait de Sophie. Sentir sa main dans la mienne me faisait un bien fou. Elle avait une peau si douce, surtout comparé à la mienne. Je lui disais sans cesse. « Merci. » Je souris, elle ne m'avait pas encore regardé et ne semblait pas m'avoir reconnu. « Je... » Je n'attendais pas plus pour la prendre dans mes bras, elle me reconnaitrais bien après, ça n'avait pas d'importance. En un an, elle avait tout de même changé... Ce qui était plutôt normal. Elle avait grandi et n'était plus la jeune femme que j'avais rencontré à vingt et un an. Mais elle était toujours la même, tout comme moi. En Afghanistan, j'avais vu beaucoup de choses, beaucoup trop et des choses du genre à changer un homme. Mon père parlait souvent de la guerre et ma mère de combien elle l'avait trouvé changé à son retour. Je pensais que ce ne serait pas la même chose pour moi et pourtant si... Mais je ne pensais pas que nous avions changer au point d'être devenu des étrangers, si ?

Lorsque je la tenais dans mes bras, je réalisais bien qu'elle était mal, elle arrivait à peine à respirer. Je ne comprenais pas ce qui se passait, pourquoi elle était comme ça. Je m'attendais plutôt à ce qu'elle m'embrasse et qu'elle me dise à quel point elle était heureuse. Je la regardais attentivement, sa bouche ouverte, elle devait tenter de dire quelque chose mais n'y parvenait pas. Cela lui arrivait rarement. Et soudain, Sophie se mit à pleurer, chose que je détestais le plus au monde. Lorsque j'étais partie, j'avais eu horreur de cela, de ses larmes, ce pourquoi je lui avais demandé de ne pas pleurer tant que je serais là, sinon quoi je serais incapable de partir... Je m'approchais d'elle doucement et la soutenais. « Sophie... » J'étais inquiet pour elle, réellement. Elle était blanche, on aurait dit un fantôme, pas la Sophie que je connaissais. J'avais l'impression qu'elle ne respirait pas du tout. J'ignorais ce qui se passait dans sa tête mais cela la chamboulait complètement. Que s'était-il passer durant cette année pour que mon retour la mette dans un tel état ?

Sophie tremblait alors que je la tenais pour ne pas qu'elle tombe. Je regardais sa main se lever puis se poser sur mon visage. Mon regard se posa de nouveau sur elle avec un léger sourire. Ma Sophie... Si elle savait comme j'étais heureux de la revoir... « Tu... Tu... Je suis... au para... dis.. » Je fronçais les sourcils sans comprendre. Je passais ma main sur sa joue pour essuyer ses larmes. « Non Sophie, juste à la gare... Ca va aller, d'accord ? Je suis là... » Et là, le pire arriva. Sophia s'évanouit dans mes bras. Je la tenais fermement, me disant sans doute que la chaleur, les gens et l'émotion était la cause de ce malaise. Je la pris dans mes bras et l'emmenait vers le banc le plus près, arrivant à lui trouver une place en mettant en avant son malaise. J'attrapais mon sac et en sorti de l'eau pour la rafraichir. Je pris ses mains et la serrais. « Sophie, réveille toi... Je vais téléphoner aux urgences... » Je fouillais dans son sac pour attraper son téléphone. Je téléphonais au SAMU qui arriverait bientôt.

Je l'avais entendu tellement de fois m'appeler par mon prénom dans mes rêves que tout ceci me paraissait irréel. Combien de fois avais-je imaginer entendre le son de sa voix, les jours suivant son enterrement... combien de fois avais-je senti sa présence alors qu'il n'était plus qu'une âme sans corps. Combien de fois l'avais-je toujours cru vivant tout simplement... Il m'en avait fallu du temps pour faire le deuil, et il m'avait aussi fallut beaucoup de force et de courage pour rester en vie. Car ce n'est pas les tentatives de suicide qui prouveront le contraire. Certes elles étaient arrivée quelques jours après l'annonce de sa mort, et je n'avais pas vraiment conscience de mes actes, mais cela avait quand même suffit à me faire interner une semaine en psychiatrie. Une chose que très peu de personnes connaissent. Et à ma sortie, une fois que les médecins avait jugé que j'étais redevenu normale, et que ma santé n'était plus en danger, je m'étais imaginer un autre monde, une sorte de dimension parallèle où je vivais comme s'il était encore vivant. C'était en quelque sorte ma thérapie. Mais là avant de perdre connaissance, j'avais l'impression de perdre de nouveau la tête, ne sachant plus dans quel monde je vivais. Car il était là devant moi, son corps chaud, sa voix mélodieuse et son parfum envoutant. Il était bien là devant moi alors que devant mes yeux, je revoyais le cortège funèbre...

Je n'avais plus conscience de rien, pas même du temps qui s'écoulait ni les bruits autour de moi. Tout était noir, tout était vide comme si c'était le néant. Mais soudainement je sentis quelque chose de froid, d'humide qui me fit bouger les paupières jusqu'à ouvrir les yeux. J'étais à moitié allongée sur un banc, et je sentais chacun de mes muscles dépourvus de force. Puis je relevais la tête et je percutais au mot SAMU. Sans encore me rendre compte que c'était Rick, et sans me rappeler de ce qui c'était passé, je lui arrachais le téléphone des mains. "Je vais bien. Pas de Samu, je déteste ça par pitié."

Puis ce fut à ce moment là, que tout me revenu. Rick était bel et bien devant moi et vivant. Oui vivant. Alors qu'il y a six mois exactement, je lui disais adieu pour toujours au dessus d'une boite en bois orné d'une croix et d'un drapeau français. Et de nouveau les images me flashèrent devant les yeux, sans pouvoir m'empêcher de pleurer à chaudes larmes. "Tu... étais... mort. On...t'as enterré! C'est... C'est... impossible!!" J'avais lâcher ses mots en sanglotant, incapable de me retenir, incapable de fuir tout ce que je ressentais à ce moment même. Car je n'arrivais plus à comprendre, je n'arrivais plus à penser. Je ne savais même pas si j'étais heureuse de le revoir, ou si j'étais détruite par son retour alors que j'avais vécu les pires moment de ma vie après l'annonce de son décès. Mais je fus aussi incapable de rester assise loin de lui et d'un mouvement vif je me jetais dans ses bras, me blottissant le plus possible contre lui.